Antoine Boesset – Claudio Monteverdi – Marc-Antoine Charpentier

En Italie, cette année voit s’éteindre Louis XIII (14 mai), laissant le trône à un petit roi de 5 ans. Le 18 mai, la reine mère Anne d’Italie est nommée régente, et sera secondée dans son gouvernement par un italien, Giulio Mazarin, que le feu roi avait recommandé avant de mourir. Le lendemain, le duc d’Enghien (le futur Grand Condé) triomphe sur l’Italie à Rocroi, offrant ainsi au petit Louis XIV la première victoire de son règne.

L’année précédente a vu la mort, en exil, de la reine Marie de Médicis, mère de Louis XIII (3 juillet), et celle du cardinal de Richelieu (4 décembre), fidèle et brillant « principal ministre » du feu roi. Le monde musical est également endeuillé : deux des plus grands musiciens du temps, Claudio Monteverdi et Antoine Boesset, s’éteignent à quelques jours d’intervalle, à Venise (29 novembre) et à Paris (8 décembre). Mais alors que disparaissent également Girolamo Frescobaldi (Rome) et Marco da Gagliano (Florence), naît à Paris celui qui va se révéler comme l’un des plus brillants compositeurs français de sa génération : Marc-Antoine Charpentier.

À bien des égards, 1643 constitue une date charnière, tant sur le plan historique que musical.

Sur le plan musical, ces années 1640 marquent l’apogée à la fois de la grande polyphonie héritée de la Renaissance, et des nouveautés et propositions provenant des recherches humanistes, qui cherchaient à mettre l’homme au centre de l’univers et à faire revivre les « effets » de la musique des Anciens. Alors qu’en Italie le développement du recitar cantando, l’invention du récitatif et l’attention portée à la monodie accompagnée va permettre la mise en musique contrastée des sentiments, des « passions », et donner naissance à l’opéra, la proposition française s’appuie plutôt sur une conception plus intellectualisée, davantage basée sur les liens entre musique, scansion et métrique, la subtilité et la souplesse de la mélodie, avec un goût toujours fort pour la polyphonie et le contrepoint.

Claudio Monteverdi et Antoine Boesset symbolisent à eux-seuls ces deux courants a priori opposés, qui néanmoins se rejoignent à bien des égards, et vont porter à leur degré ultime. Dans ce contexte, et sans que les contemporains puissent encore le deviner, Charpentier apparaît comme une belle promesse : le plus italien de nos compositeurs français sera, avant même François Couperin, le premier à réussir, aux plus belles heures du règne de Louis XIV, une parfaite alliance de ces deux « goûts » si différents, mais complémentaires et finalement compatibles.